Quand j’explique à mes patients que l’alcoolisme est un mal familial, un système dysfonctionnel qui s’auto-entretient, qu’ils sont eux aussi malades, qu’ils souffrent d’une maladie qui est la « co-dépendance »… je fais face à de l’incompréhension et des résistances. « C’est l’autre le malade, pas moi ! » Et pourtant, comme le malade alcoolique, ils ont perdu la maîtrise de leur vie, tout est centré et dépend du « malade ».Ils souffrent d’obsessions, d’angoisses, avec des stratégies de contrôle (bien vaines), sont envahis par la colère, la culpabilité, le désespoir… et cela a souvent des répercussions dans tous les domaines de leur vie.
D’après mon expérience, seule la parole d’une personne qui a vécu la même chose, qui a marché dans les mêmes pas, peut les faire accéder à un autre regard sur leur situation et envisager un éventuel changement. Ils ne sont plus seuls. Ils se sentent compris, soutenus, ils retrouvent espoir en prenant conscience qu’une autre vie est possible, même si l’alcoolique continue de boire !
Les partages d’expérience, l’écoute bienveillante, l’identification, l’apprentissage du lâcher prise… sont les outils des réunions des Groupes Familiaux Al Anon/Alateen et c’est ce qui leur permet de se décentrer du malade pour se changer soi-même.
Il ne faut pas se leurrer, nos patients ne nous disent pas tout, par pudeur, par honte, par peur d’être jugé… alors qu’ils peuvent absolument tout dire entre membres de l’association, car tous ont des vécus semblables. Ils vont pouvoir apprivoiser l’idée qu’ils ne peuvent pas sauver le malade alcoolique, mais qu’ils peuvent se sauver eux-mêmes… ce qui est probablement la meilleure manière d’aider le malade !
Marion ACQUIER, psychologue clinicienne au sein du service d’Addictologie du Grand Hôpital de l’Est Francilien