femme regardant au loin avec espoir

Je suis Carole et petite fille d’alcoolique. Mes deux grands-pères étaient alcooliques mais j’en ai connu qu’un qui parlait très peu. Je le voyais quitter la table très tôt au cours des repas de famille. Je n’ai jamais pensé à l’époque qu’il était alcoolique.

Je suis venue en Al-Anon parce que mon compagnon buvait et j’étais complètement désemparée. Je passais mon temps à attendre qu’il ait envie d’interagir avec moi. Je ne faisais plus aucun projet et les crises entre nous augmentaient et me donnaient un fort sentiment de culpabilité.

Avec Al-Anon, rapidement, je me suis rendue compte que j’avais vécu dans ma famille d’origine bon nombre de dysfonctionnements dont parlaient les amis. J’avais l’impression que, quoi que je fasse, je ne pourrais éviter les crises fréquentes entre mes parents. Ma mère ne pouvait s’empêcher de dramatiser et de manipuler : « On ira en vacances début juillet sauf si ta grand-mère ou ton grand-père meurt d’ici là. », « Si tu sors, je vais encore être seule »

Tout le monde parlait en même temps, cherchant à prouver que chacun avait raison et je ressentais le manque d’écoute.

J’ai aussi été élevée dans le culte de la réussite : chez nous, le but n’était pas de s’épanouir mais d’être meilleurs que les autres. Mon père nous classait en fonction de nos compétences. Il y avait beaucoup d’amour et d’échanges mais j’ai souvent eu le sentiment que c’était un amour sous condition. Ce sentiment d’impuissance que j’ai reconnu en Al-Anon s’est aussi immiscé dans les injonctions contradictoires : «Fais des études, mais soit autonome. »

Ces injonctions contradictoires me mettaient dans des impasses – comme avec l’alcoolique – et me donnaient un sentiment d’inadaptation aux autres. J’ai toujours eu beaucoup de mal à trouver ma place dans des grands groupes et j’ai noué des relations très fusionnelles tant en amitié que dans mes relations amoureuses.

Quand le groupe visio GRANDIR (qui est dédié aux Adultes Enfants d’Alcooliques) a ouvert, je n’ai d’abord pas osé y aller, je ne pensais pas être à ma place, n’étant pas fille d’alcoolique. Heureusement, il y avait des réunions dites « ouvertes », recevant des personnes n’ayant pas été affectées par l’alcool d’un proche. Je fus surprise de constater que je m’identifiais à la plupart des témoignages bien que je n’aie jamais vu mes parents ivres. Mes parents n’ont jamais imaginé avoir été affectés par l’alcoolique. Ma mère dit souvent : « Ce n’est pas que mon père était alcoolique, c’est juste que quand il buvait, il faisait n’importe quoi »

Ce programme a transformé ma vie. Auparavant je pouvais me sentir seule dans chaque situation de ma vie et mon besoin d’être reconnue était insatiable. J’essaie autant que possible de ne pas contrôler tout le monde et également de sortir de l’apitoiement pour être actrice de ma vie.

Aujourd’hui, je sais qui je suis, je suis bien avec moi-même et n’attends plus comme une affamée l’approbation des autres.

Quel miracle !

Bien à vous Carole